En 2000, Agnès Varda réalise ce très beau film « Les glaneurs et la glaneuse » qui m’a touchée au cœur.
Je me baisse moi aussi, non pas par nécessité ni désarroi, mais je glane, quand je ramasse ce qui est laissé pour compte et qui me plaît. Des palettes, des bâtons, des bobines de bois EDF, des rames usagées, un ancien rideau de perles, une vieille boîte…C’est un geste humble que j’accomplis par goût conjugué du bois brut et de la récupération.
C’est toujours une rencontre unique. Souvent l’objet abandonné me fait signe et s’impose à moi.
Les supports vont varier selon les périodes- bois, lin, jute, laine bouillie, dentelles, métal, écorces, cuir- mais les gestes sont les mêmes : broder, nouer, traverser, tisser, lacer, suspendre, lier, emmailloter, plisser, effilocher…
Les matières sont souvent « pauvres », rarement brillantes – jute, rouille par exemple – Si elles ne sont pas suffisamment usées, je m’en charge. Je les fais séjourner dans la terre ou le marc de café, je les passe au cirage, je scarifie le bois…
Les travaux se présentent souvent par paires, dans un dialogue rapproché et complémentaire entre deux partenaires, deux entités.
Je suis autodidacte. Je n’ai pas suivi de parcours artistique que l’on puisse qualifier d‘orthodoxe. Je n’ai reçu aucune formation classique dans un atelier de Beaux-arts, par exemple. Mais je peux nommer quelques jalons qui ont certainement contribué à la construction de mes goûts.
Il y a eu les apprentissages de cours de couture dans un collège de jeunes filles : des échantillons de tissu, petits carrés d’exercices pour des boutonnières, des reprises, des points lancés, surjetés, noués, de chaînette, de piqûre… qu’il fallait s’appliquer à réussir chaque semaine et qui étaient notés !
J’ai compris a posteriori à quel point on apprend par le regard aussi :
Mon grand-père, bourrelier, que je surprenais dans son atelier, les selles volumineuses et les harnais qui pendaient… la cardeuse, les fils poissés, les aiguilles courbes qui traversaient doublement le cuir, si épais qu’il fallait les tirer à la pince.
J’ai toujours vu ma mère un ouvrage entre les mains : des chaussons à quatre aiguilles, du tricot pour des bébés, ou des enfants d’amis, du jacquard, des nappes brodées, des monogrammes sur des draps, des jours… toujours beaucoup de couleurs vives et des motifs fleuris.
Tout a (re)commencé tardivement et impérieusement à la quarantaine. Je me suis attaquée à un abécédaire studieux que j’ai mis sept étés consécutifs à terminer. C’était une activité de vacances uniquement et de grande lumière aussi. J’ai rarement été aussi déterminée et joyeusement appliquée. Travail studieux mais jamais fastidieux. Cet abécédaire m’a tenu lieu de gammes préparatoires avant des réalisations plus libres.